
L’élite de la société humaine continue de s’écarter des origines biologiques de l’humanité.
Ronin cherche une voie alternative.
Son choix en fera-t-il un traire ou un sauveur?
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L.A. Di Paolo.
Extrait de:
RONIN
Une Nouvelle de l’Épopée de K’Tara
Aujourd’hui, Ronin avait décidé de descendre dans la plaine, et de s’y rendre seul, malgré les conseils de tous, y compris ceux de son compagnon digital et de son ami Canyon, bien qu’ils essayassent de l’en dissuader pour des raisons très différentes. Il irait dans la vieille ville de Boulder — que certains trouvaient plus décrépite qu’ancienne —, là où on lui avait dit qu’il pourrait réaliser deux de ses plus vieux rêves : goûter à de la vraieviande et, peut-être, rencontrer une touthumaine — même s’il n’avait aucune idée de la manière dont il devrait s’y prendre. Et descendre avait été exactement comme on le lui avait décrit : stressant. D’abord, il y avait eu les contrôles de sécurité, puis ceux de santé — ce qui n’était pas fait pour protéger les Bassegens, mais pour constituer un dossier de comparaison le jour où il reviendrait, afin de protéger les Hautesgens —, et enfin, les mises en garde qui lui avaient fait perdre quinze minutes au cours desquelles il avait dû écouter un responsable paranoïaque du gouvernement leur expliquer, à lui comme aux autres voyageurs, ce qu’il fallait faire et ne pas faire Enbas, les avertir très sérieusement contre le fait de côtoyer physiquement les autochtones pendant une longue durée, puis leur interdire formellement d’entrer physiquement en contact avec eux, surtout pour les Hautegens qui comme lui — ils étaient deux Hautegens sur la dizaine de voyageurs présents pour le discours —, avaient un corps essentiellement organique.
Le trajet entre le Disque et les plaines n’avait pris qu’une dizaine de minutes, mais il aurait aimé que cela eût duré plus longtemps, car la vue était fascinante. Voir de ses propres yeux les crêtes, la vaste étendue de terres arides aux extraordinaires rouges et bruns, et cette vieille ville à l’horizon fut bien plus grisant que tout ce qu’il avait pu contempler dans les images virtuelles.
Cependant, une fois arrivé à destination — lorsqu’il sortit du transporteur —, son estomac se noua encore plus fort qu’il ne se l’était imaginé. Les bruits inconnus et les visages étrangers, la chaleur et les paysages singuliers semblaient étouffer Ronin. Seule la présence des policiers de contrôle — aussi bizarre que cela pût paraître — sous leurs apparences synthétiques, avec leurs silhouettes et leurs visages familiers le réconforta quelque peu. Mais c’était lui qui avait voulu venir ici, et ce, malgré tous les avertissements qu’il avait reçus, donc — après une brève hésitation — il fit apparaître sa carte mentale, chercha son chemin pour rejoindre le marché central dont lui avait parlé son ami Canyon, et se mit en route. Ce faisant, il lança un programme pirate que Canyon lui avait refilé afin d’envoyer au bureau de surveillance de faux signaux, concernant son état et ses lieux de fréquentation. Ce subterfuge ne manqua pas de faire monter un peu de stress en lui, mais il l’avait déjà essayé avec son ami, avant de partir, et tout avait bien fonctionné. Il espérait donc que cela continue ici. Il désactiva également toutes ses communications personnelles afin de ne pas être dérangé par d’éventuels amis qui pourraient vouloir lui parler ou le solliciter au cours de sa visite d’Enbas — ce berceau de l’humanité qui n’avait pas évolué depuis des siècles.
Une demi-heure plus tard, il arriva devant la boutique d’un marchand de rizviande. La peau de l’homme, semblable à celle de tous les touthumains qu’il avait vus, avait la couleur de la poussière, là où elle n’était ni marquée ni abîmée par la pollution ou la maladie.
Après avoir servi un client, l’homme s’approcha de lui et lui parla. Ronin se demanda ce qu’il lui disait ; il y avait encore des gens qui utilisaient leur voix pour communiquer Enhaut, mais les sons qui sortaient de la bouche de cet homme-ci étaient incompréhensibles.
Ronin fit signe à l’homme de parler plus doucement, et força un murmure de sa boite vocale, espérant que l’homme le comprendrait : « Un bien juteux ? »
L’homme secoua la tête et adressa de nouvelles paroles incompréhensibles à sa partenaire qui dévisageait Ronin avec bienveillance, de la tête aux pieds, avant de rentrer dans la boutique. Est-ce qu’elle l’avait compris ? Et allait-elle lui apporter de la vraieviande ? Il l’espérait.
Ronin attendit patiemment, malgré son malaise croissant sous le sourire méprisant de l’homme. Quand celui-ci roula des yeux pour la troisième fois, Ronin pensa : Comment diable ose-t-il me regarder ainsi ? Mais tout était de sa faute, après tout. Quels Hautegens descendaient là pour demander de la vraieviande ? Sûrement pas les bons, ceux qui respectaient la loi. Seuls les barbares comme son ami Canyon venus s’amuser à trouver tout ce qui n’existait pas dans le Disque faisaient cela. Canyon l’avait prévenu qu’il devait savoir exactement où aller pour demander de la vraieviande, car cette nourriture était hors la loi, et, bien que l’on ne jetât personne en prison pour s’en être procuré, on pouvait toujours avoir une amande et se retrouver couvert de honte pour l’avoir fait. Ce marchand de rizviande faisait partie de ceux qui acceptaient de vendre de la vraieviande à ceux qui lui donnaient le bon mot de passe. Est-ce que Ronin avait commis une erreur dans sa requête ? Il espérait que ce ne fut pas le cas.
Ronin avait fait ce voyage dans les plaines pour deux raisons : goûter à de la chair véritable, l’un de ses inexplicables fantasmes, et rencontrer une touthumaine parce qu’il en avait assez des relations virtuelles et du visiosexe, et qu’il aspirait à ce genre de relations qu’il avait vues dans les vieux films, même si tous ceux qui le connaissaient dans le Disque trouvaient ses envies fort étranges.
Canyon aussi avait trouvé cela bizarre, mais il avait accepté les étrangetés de Ronin et lui avait montré les enregistrements numériques des touthumaines qu’il avait rencontrées au cours de ses nombreux voyages Enbas ; il avait même promis à Ronin de lui en présenter quelques-unes s’il l’accompagnait lors de sa prochaine visite. Mais Ronin n’était pas du genre sociable, donc, après s’être motivé et encouragé pendant longtemps, il avait finalement décidé de faire le voyage seul, ce matin-là.
Au bout de dix minutes, la femme revint. Un sourire empreint d’enthousiasme fendait son visage bouffi, tandis qu’elle le regardait avec curiosité. Ronin supposa que c’était parce qu’elle n’avait jamais vu d’être humain de deux mètres de haut, blond et à la peau lisse. Il rougit. Pourquoi ai-je réagi comme ça ?
D’autres femmes se trouvaient derrière elle, dont une qui avait des yeux si ensorcelants qu’ils la rendaient — étonnamment — vraiment jolie, et toutes les trois le regardaient avec les mains sur la bouche, cachant de petits rires. Ronin fronça les sourcils ; il ignorait si elles se moquaient de lui ou si elles cachaient leur embarras de voir un homme du Disque. Dans le premier cas, c’était de sa faute s’il avait l’air si étranger ; il aurait dû se présenter dans des vêtements plus appropriés. En effet, il portait des habits moulants et irisés à la mode d’Enhaut, alors que les Bassegens avaient plutôt des vêtements amples et unis. Mais la possibilité que leur réaction fût due à la seconde raison le fit tressaillir. En effet, deux d’entre elles avaient des yeux excessivement rapaces en plus d’une peau marquée par les conditions de la planète, ainsi que par la dégénérescence du génome touthumain causée par le virus qui avait affecté les Bassegens plusieurs siècles auparavant. C’était pour cela que les contacts physiques entre les Hautegens et les Bassegens étaient proscrits, bien qu’il eût appris, dans un document officiel, à l’université, que ce virus n’était plus une menace aujourd’hui.
Les yeux de Ronin s’illuminèrent lorsque la jeune femme aux cheveux blond sales, qui avait peut-être dix-huit, vingt-deux ou vingt-six ans — il ne pouvait deviner l’âge des habitants d’ici-bas — déplaça sa main et dévoila un sourire qui, conjugué à ses yeux ensorcelants, le remplit d’émotion. Le fait était qu’il n’avait jamais vu un tel sourire — un sourire qui inondait le visage — ailleurs qu’au cinéma, et jamais chez les Hautegens, fussent-ils neutres, hommes ou femmes. L’effet était tel que ses marques étaient presque — elles étaient — belles.
À ce moment précis, la marchande dit à l’homme quelque chose qui ressembla à « Cébonjai ckif aupourlui ».
Il ne sut pas ce que cela signifiait, mais il savait, aux regards qu’elle lui lançait, qu’elle était revenue avec ce qu’il cherchait. Depuis son arrivée, il se sentait étranger et était mal à l’aise à l’idée de communiquer avec les autochtones, comme avec l’enfant qui était venu le toucher sur son chemin, ou avec la touthumaine qui s’était ensuite approchée pour reprendre l’enfant, l’air effaré et se confondant en excuses ; Ronin n’avait pas dit un mot et n’avait pas bougé jusqu’à ce que la femme eût emporté son enfant. Mais à présent, voyant le petit paquet illégal que la femme tenait dans sa main, il fut transporté d’une excitation secrète, impatient de le recevoir, à tel point qu’il regarda les marchands avec plus de vigueur que de raison, s’efforçant de prononcer d’une voix éraillée un « s’il vous plaît ».
L’homme répondit à la femme, qui devait être son épouse — les gens fonctionnaient encore par couples ici-bas — et sembla dire : « Merci tiloup ! » Il prit ensuite le paquet délicatement, se retourna vers Ronin et le lui tendit : « Une bien juteuse, pour vous ».
Ronin saisit le paquet presque religieusement. Lorsque ses amis l’apprendraient, ils seraient sidérés. Soudain, une odeur incroyable s’échappa de l’emballage et assaillit ses narines, et — ne pouvant y résister — il ouvrit légèrement le paquet, juste assez pour jeter un œil à l’intérieur.
Voyant cela, le marchand de rizviande changea de couleur, devint rouge de colère, et écrasa la main de Ronin, qui se figea.
Se rendant compte de ce qu’il venait de faire, il regarda autour de lui, s’attendant à ce qu’une escouade de policiers fondît sur lui. Mais ce ne fut pas le cas, et son cœur reprit sa cadence normale. Doucement, il referma complètement l’emballage de son sandwich, puis l’éloigna de son visage pour en atténuer l’odeur appétissante.
Ronin se retourna vers le marchand, tout en esquissant un sourire désolé.
L’homme dit : « C’est bon, quattcent. »
Affectant un air toujours désolé, Ronin demanda à l’homme de répéter ce qu’il venait de dire.
L’homme s’exécuta — non sans une certaine lassitude — en détachant chaque syllabe : « qua-tre-cent. »
Quatre cents ?! Je savais que ça allait coûter cher, mais quatre cents crédits? Ronin appuya son doigt sur le scanner, paya pour son ‘rizviande’ et commença à sortir, mais quelque chose le retint — la fille. Il avait envie de la connaître. Mais comment pouvait-il faire ? Il aurait aimé l’inviter à le suivre. Mais que feraient-ils ? Il ne parvenait même pas à s’exprimer correctement. Pestant contre lui-même, il lui lança un bref regard et s’en alla. À ce même moment, il entendit le mari grogner, puis sa femme émettre des bruits apaisants. Ronin se frappa le front, conscient qu’il avait été impoli, puis se retourna vers le couple afin de les remercier. Il adressa ensuite un dernier regard plein d’ardeur à la si belle touthumaine, puis partit.
Ce fut alors que Ronin s’arrêta et pensa : Merde ! Si seulement je pouvais me débrouiller pour connaître cette femme. Peut-être que je pourrais revenir plus tard… mais qu’est-ce que je lui dirai alors ? Et il s’en voulut de s’être imaginé pouvoir venir ici et rencontrer une femme sans rien savoir de la société d’Enbas, pas même comment démarrer une conversation avec une personne non connectée. Quand il se remit en route, il chassa toutes ces pensées et marcha, concentré sur son paquet qu’il continuait de tenir avec de plus en plus d’impatience.
Il savait que personne ne le croirait lorsqu’il raconterait, lors de sa prochaine diginexion, ce qu’il avait fait. Ronin ? Aller Enbas ? Avec assez de courage pour commander de la vraieviande ? Pourtant, il l’avait fait ! Non seulement il l’avait fait, mais en plus il l’avait fait seul ! Sauf que — mais il s’interrompit avant de se laisser perturber encore une fois.
À présent, il devait trouver un lieu calme où il pourrait s’asseoir et savourer son repas. Il ignorait quel animal avait été ainsi sacrifié pour fournir la substance nécessaire à ce sandwich, mais il devait s’agir de l’un de ces gros animaux qui existaient encore sur la planète. Son ami lui avait dit que c’était sans doute de la viande de quelque grand rapace.
Ronin marcha un moment avant de trouver un endroit reculé, car sa carte d’Enbas n’était pas aussi précise que celles auxquelles il était habitué dans le Disque, et le fait qu’il fût obligé d’aiguiser son sens de l’observation ainsi que sa mémoire pour savoir où il allait — afin d’être en mesure de revenir au Port de Connexion plus tard — ne fit qu’augmenter son stress. Il comprenait, à présent, les raisons pour lesquelles ses amis n’avaient jamais tenté de s’éloigner du centre-ville.
D’erreurs en errances, il s’engagea de ruelles désaffectées en impasses peu fréquentables, pendant que son estomac se tordait et que des sueurs froides l’envahissaient, au fur et à mesure qu’il prenait conscience que rien ne l’emmenait vers un parc ou un endroit paisible où il pourrait manger son sandwich. Et si je n’arrivais plus à retrouver mon chemin ? Qu’est-ce que je ferais si je me perdais ? Pourquoi je ne parviens pas à trouver un de ces grands parcs qui devraient normalement se trouver dans le coin ??
Une dizaine de minutes plus tard, il arriva à un grand carrefour où quatre rues partaient dans différentes directions, et il paniqua. Il s’arrêta, prit une profonde inspiration, et décida de rebrousser chemin, jusqu’à une intersection qu’il avait traversée plus tôt. Il chercha sa route pendant deux longues minutes avant de se rappeler par où il était passé, et il atteignit finalement son but quelques minutes plus tard.
Cette victoire le soulagea, et il prit soin d’être plus attentif à cette partie de la ville, afin d’atteindre le parc qui, selon sa carte mentale, devait se trouver près de là. Après une nouvelle minute passée à comparer ce qu’il voyait à ce dont il se souvenait avoir déjà traversé — ce qui était un véritable exploit pour lui étant donné que dans le Disque, il n’avait jamais eu besoin d’engager sa mémoire pour se déplacer, puisque les cartes ou les véhicules autonomes s’en chargeaient très bien — il choisit de tourner à droite dans une rue, se promettant de revenir à son point de départ s’il échouait à nouveau, et d’envoyer au diable son repas !
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