Comme plusieurs personnes m’ont indiqué qu’il leur importait que je continue à partager ce qui se passe avec mon roman ou avec mon processus d’écriture en général, je vous ferai part de cette difficulté particulière à laquelle je suis confronté depuis quelques jours et dont la résolution risquait soit de ne rien changer au récit, soit d’y causer d’énormes rebondissements.

Si vous avez lu Prémonitions, vous vous souviendrez peut-être qu’il y a un personnage mineur–le fils cadet du haut roi Octavius–Ori, âgé de treize ans, que l’on rencontre dans quelques scènes avec Aithen et Octavius. Nous le revoyons aussi dans l’épilogue, où il demande à Aithen pourquoi tout le monde a si peur de Noctiferus .

Dans le deuxième tome, en cours d’écriture, Ori prend beaucoup plus de place dans l’histoire, et il nous permet découvrir des rituels K’Tarans que nous ne connaissions pas encore (et je dis “nous” parce que, moi non plus je ne les connaissais pas avant que le récit ne me les révèle). Je pense que les lecteurs apprécieront la légèreté qu’Ori apporte à certaines scènes, ainsi que l’élément humain qu’il ajoute à d’autres–par exemple lorsqu’il regarde ses parents, qu’il a rarement vus ensemble, interagir et faire preuve d’une réelle affection l’un pour l’autre.

Mais, vu ce qui se passe sur K’Tara, le danger, la douleur et les doutes devront nécéssairement visiter Ori, comme tous les autre, et mettre fin à son innocence. Les réactions possibles d’Ori face au mal qui prend la planète et s’apprête à toucher directement à sa vie m’ont fortement agité, et j’ai été incapable de m’asseoir et d’écrire, pendant trois jours. Les conséquences d’une première réaction possible auraient été rapidement oubliées et l’événement n’aurait constitué qu’une note de bas de page dans le journal d’Ori–intéressante pour lui mais sans conséquence pour l’histoire. Les résultats de la deuxième possibilité lui auraient rendu la vie difficile, mais sans plus. Enfin, la troisième possibilité que je voyais risquait de compliquer, au plus haut point, les choses pour Octavius et Aithen, et même de les détruire, tous.

Que faire alors? Je n’arrivais pas à arrêter mon choix. Je décidai donc de contacter deux personnes qui, je le savais, pourraient m’aider: l’un, Chris Ryan, enseignant de litérature et auteur exceptionnel de la série de langue anglaise The City; et l’autre, Adam R. Watson, narrateur extraordinaire, qui connaît l’histoire plus que tout autre lecteur pour lui avoir donné la parole. Les deux m’ont permis de sortir de mon dilemme en me montrant qu’Ori pourrait devenir un personnage plus central à l’histoire en lui permettant de prendre certaines décisions critiques, sans toutefois le dérober entièrement de son innocence. La scène en question aurait pu être drôle et m’aurait donné de nombreuses nouvelles avenues à explorer.

Mais alors que j’essayais d’écrire la scène en gardant à l’esprit ces suggestions qui m’avaient libéré de ma paralysie, quelque chose me frappa et me remit la possibilité que je voulais à tout prix éviter en pleine face; je compris alors que l’histoire ne se trouve plus dans un endroit où je peux influencer son cours; elle va maintenant où elle doit, et elle se révèle à moi au fur et à mesure de son déroulement, que cela me plaise ou non.

Je me retrouvais donc à nouveau face à cette action effrayante vers laquelle Ori semblait se diriger. Et je lui résistai encore une heure, me demandant comment faire pour intégrer cette tournure dans l’histoire avec toute sa noirceur et sa douleur; me le demandant parce que l’idée de laisser Ori prendre ce chemin me faisait peur. Mais j’en vins à l’accepter, et j’ai donc écrit la scène. Quoi qu’il soit vrai que je pourrais tout simplement dire : “Non, je suis désolé Ori, mais tu ne feras pas cela”. Mais ce serait déloyal au récit.

LADP.

Rate this post
Share This